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Historia in toto

"Le roi est mort ! Vive le roi !"

Troubadour : le poète méconnu

Partition d'une musique troubadour à la renaissance.

Partition d'une musique troubadour à la renaissance.

 

 

Parition d'une musique troubadour de la renaissance

De nos jours, il est commun d’affubler du terme de « troubadour » un chanteur s’exerçant dans la langue de Molière et parlant d’amour. Mais voilà, la pensée et le savoir commun sont, souvent, des oiseaux de mauvais augure nous amenant dans le domaine des fables et légendes.

Mais alors qui sont les troubadours ? Outre l’imaginaire collectif, que représentent-ils réellement ? Pourquoi la lecture de ce mot nous ramène à l’histoire de France et à un sentiment nostalgique ?

 

Selon Larousse 2016, le troubadour est un « poète lyrique des XIIe et XIIIe siècles qui composait des œuvres dans une des langues d'oc ». Effectivement, le troubadour n’est pas un de nos artistes contemporains mais un de nos ancêtres ayant composé en langue d’oc.

Remontons aux XIIème et XIIIème siècles, le royaume de France n’a pas les même limites géographiques que celle que nous connaissons aujourd’hui, on peut distinguer deux « zones » aux traditions et influences différentes : le pays de langue d’oil et le pays de langue d’oc.

La langue d’oc est parlée en Occitanie, un territoire couvrant le sud de la France jusqu’au haut Limousin actuel. Au-dessus de la frontière imaginaire, on parle la langue d’oil qui, évoluant, donnera le français que nous pratiquons.

 

 

Le troubadour : rebelle de son temps ?

 

Au XIème siècle, la musique comme nous l’imaginons aujourd’hui n’existe pas encore, pour autant elle a une place centrale dans la vie des Francs. L’Europe est christianisée, la religion n’est pas seulement un choix mais une façon de vivre. La seule musique qu’entend l’Homme est celle que l’Eglise lui autorise à attendre;
il faut imaginer que toute la vie d’une personne est rythmée par l’Eglise au gré des offices. Ces derniers n’étaient pas plus nombreux que ceux d’aujourd’hui mais certains étaient obligatoires. On peut différencier deux sortes d’offices : les grandes et les petites messes.

Les grandes messes sont les plus importantes, ce sont celles réunissant le plus de monde où les chants religieux sont entonnés. Chaque chant est une déclaration d’amour à Dieu, il n’y a pas de place pour la musique profane et encore moins pour des sujets non religieux.

 

Face au dogme catholique, une forme de « contre culture » apparaît et se cristallise avec les troubadours. Il est dorénavant question de mettre l’Homme en avant et de reléguer la religion à un second plan. Face à cet art grandissant et populaire, l’Eglise, bien que condamnant cette musique, se retrouve vite impuissante.

 

A contrario des chants religieux, les poèmes de troubadours mettent en scène un héros et nous narrent son histoire. Attention le troubadour n’est pas celui qui joue son œuvre, il en est seulement le compositeur ; le troubadour n’est pas un artiste allant de cité en cité pour chanter et divertir. Bien évidemment, il arrive tout de même que le troubadour joue lui-même, notamment lors de grands évènements ou encore pour d’importants seigneurs.

 

 

Guillaume IX d’Aquitaine : la naissance du « Fin Amor ».

 

Avec le temps et face aux influences diverses, des différences apparaissent entre les troubadours que l’on pourrait comparer avec une certaine forme de spécialisation.

Guillaume IX d’Aquitaine (1071-1127), est l’un des exemples les plus parlants de la spécialisation des poètes médiévaux. Grand amoureux des hommes de lettres, sa cour est un réel sanctuaire pour artistes et écrivains. Il est très difficile de pouvoir vivre de son art, les troubadours, comme un grand nombre d’artistes, doivent faire appel à des mécènes pour pouvoir vivre dignement. Le plus simple est alors de vivre à la cour des seigneurs connus pour apprécier les arts et les soutenir.

 

En plus d’être un grand mécène, Guillaume IX de Poitiers est également un grand poète. L’écriture et la composition sont des sciences complexes que seuls quelques érudits peuvent pratiquer, cela implique une éducation poussée (souvent effectuée par des religieux) accessible uniquement aux nobles.

A son retour de croisade, le seigneur d’Aquitaine revient marqué de ce qu’il y a découvert, cela va profondément transformer son art et celui de ses successeurs. Guillaume répudie sa femme et se rapproche de femmes mariées. La femme devient l’élément central de son œuvre, ses poèmes sont des déclarations d’amour et ont pour but de séduire : le « fin amor ».

 

En plus d’écrire et de composer, Guillaume IX forme également de jeunes à l’art « trobar ». Dès lors, des écoles de troubadours, souvent tenues par des nobles, apparaissent dans le Royaume. L’une des plus célèbres se situe en Corrèze à Moustier-Ventadour (dans le centre de l’actuelle Corrèze), tenue au XIIème siècle par Ebles II de Ventadour, proche de Guillaume IX, dit « El cantador ».

 

Bernart de Ventadorn : l’avènement de l’art trobar.

 

Peu de noms de troubadours nous sont parvenus, mais il en est certains que l’Histoire a rigoureusement préservés au fil du temps. Bernart de Ventadorn, dont l’histoire nous est connue grâce à deux « vidas » d’Uc de Saint-Circ et de Peire d'Alvernhe, est aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands troubadours selon les spécialistes. De Bernart nous savons en réalité peu de choses, né à Moustier Ventadour, fils de boulangère selon certains et d’Eble II pour d’autres, il est formé à l’art « trobar » dans l’école des Ventadour ; il y apprend alors le « fin amor ».

 

A la mort d’Ebles II, son fils Ebles III, de retour de croisade, devient vicomte de Ventadour. Bernart est alors obligé de quitter la vicomté, la légende voulant que la femme d’Ebles III ait cédé aux charmes du poète durant l’absence de son époux. Le troubadour prend alors la direction de Poitiers où il fait la connaissance de celle qui deviendra sa muse : Aliénor d’Aquitaine.

Dès lors la duchesse, puis reine, devient presque l’unique source d’inspiration du poète. Son obsession le poussera même à suivre sa muse jusqu’en Angleterre mais Henri II, plus fermé à l’art trobar que son épouse, poussera Bernart à rentrer dans le royaume de France à la cour du comte de Toulouse.

 

Si Bernart de Ventadour est considéré comme aussi important dans le domaine des troubadours, c’est que son œuvre en plus d’être novatrice a rayonné dans toute l’Europe. Ayant côtoyé les cours des plus grands monarques, il a pu rencontrer des nombreux artistes aux influences diverses, s’exercer devant les nobles des plus grandes puissances européennes.

Même si le « fin amor » n’est pas sa création propre, Bernart de Ventadorn a grandement participé à son avènement et expansion. Ses œuvres vont traverser les siècles pour influencer les générations futures.

 

 

 

 

Bibliographie (à consulter pour plus de précisions) :

 

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F
Article très intéressant, il serait sympa d'ajouter la définition et l'étymologie de certains mots, troubadour, trobar, vida... ;)
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M
C'est une très bonne remarque, je pense mettre en place un lexique. Il suffira de cliquer sur le mot pour atterrir sur la page.
B
Un petit article sympathique à lire, mais je pense qu'il y a deux trois points qui méritent nuance :<br /> il existe une musique profane sans doute avant le XIIe siècle, notamment par le biais des chansons de geste qui sont un poil antérieures (fin du XIe pour la "Chanson de Roland" et la "Chanson de Guillaume" selon J. Favier dans son Dictionnaire de la France médiévale) et qui sont sans doute le témoignage d'une musique profane qui ne nous est pas parvenue.<br /> <br /> Je pense que l'élément général qu'il faut retenir concernant l'origine sociale des troubadours tiens à ce que la création artistique elle-même (ici poétique), dépasse par nature les catégories sociales. Même si ce sont bien évidemment les élites qui peuvent prétendre avoir une culture leur permettant d'avoir les moyens (et le temps) de créer, il semblerait qu'on trouve des troubadours d'origines diverses (d'un homme d'origine sans doute humble comme Bernart jusqu'à Guillaume IX ou Raymond de Toulouse qui dirigent des pans entiers du territoire des Gaules).<br /> <br /> Sinon j'aime bien le titre "Le Troubador : un rebelle de son temps ?"<br /> <br /> PS. à la fin de la présentation en sous-titre du blog il y a un oubli de frappe à "Découvertes".
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M
Effectivement, j'ai préféré rebondir sur la définition du Larousse pour démarrer mon propos. La "Chanson de Guillaume" est un très bon exemple d'une possible musique profane. Au final les sources se multiplient surtout au XIIème siècle, et l'idée était de mettre en avant l'importance du "fin amor".<br /> Pour l'origine sociale du poète je suis plus septique, certes la légende veut que Bernart soit le fils d'une boulangère mais si l'on regarde attentivement les autres troubadours connus de haute Corrèze, que cela soit Marie de Ventadour ou les frères d'Ussel, ce sont tous des nobles.<br /> <br /> Merci d'avoir signaler la faute =)
B
Bon courage pour la suite
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A
Article court mais intéressant
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